Je me sentais en grande confiance
Je l’avais connu par hasard chez une amie qui fêtait son anniversaire. Quand je suis sortie pour retourner chez moi, il m’a proposé de me raccompagner ;
il a été très correct avec moi. J’ai appris qu’il était marocain. Il avait vingt-six ans. Depuis six mois, il avait quitté Casablanca où il avait
fait ses études. Pour que ses diplômes d’enseignant soient validés ici, il fallait qu’il puisse justifier de deux ans de travail en France.
En attendant mieux, il travaillait comme gardien de nuit.
Quand nous nous sommes séparés, il m’a demandé mon numéro de portable et, en me disant « au revoir », il garda longtemps sa main dans la mienne.
Le lendemain il m’a appelée au boulot ; je travaillais alors comme employée de bureau. J’ai bien voulu qu’il m’attende à la sortie. Il est revenu tous
les soirs. Très vite il m’a dit « je t’aime » ; moi je me sentais en grande confiance avec lui.
Nous nous connaissions depuis moins d’un mois lorsque j’en ai parlé à ma mère. « Fais-le venir à la maison », m’a-t-elle répondu. Il a su séduire
toute la famille : mère, père et frère. Souvent il venait dîner. Les repas ne posaient pas de problèmes ; bien sûr, on évitait de manger du porc
mais quand mon père tendait la bouteille vers lui, il ne refusait pas un peu de vin.
On s’approchait du 25 décembre ; je lui ai dit que j’étais croyante et que j’irais à la Messe de Noël avec ma famille ; il a voulu nous accompagner.
Après la cérémonie, pendant le repas qui a suivi, il nous a parlé de Jésus ; il nous a appris que les musulmans le respectent et que le Coran en parle
avec vénération. C’était la première fois qu’il parlait de religion.
Se marier à l'Eglise ?
Lorsqu’il m’a demandée en mariage, je lui ai dit : « D’accord mais à condition qu’on puisse se marier à l’église ». Je suis allée raconter mon histoire
au prêtre, dans ma paroisse ; je l’ai senti réticent et il m’a orientée vers un de ses confrères connaissant bien l’islam. Nous l’avons rencontré tous
les deux, cinq ou six fois. Omar était heureux parce qu’il avait devant lui quelqu’un capable de répondre à ses objections sur la Trinité ou sur Jésus, Fils
de Dieu. Il était surtout content parce qu’ils ont abordé le problème de la Palestine ; le prêtre était d’accord avec lui pour dénoncer les injustices faites
aux arabes dans la région. Il a été soulagé parce qu’il croyait que tous les chrétiens étaient sionistes.
On a réfléchi sur le mariage, bien sûr. Le prêtre m’a parlé de l’Islam devant lui : « Tu dois connaître la religion de ton mari ! ». Omar
l’approuvait. On s’est intéressé à l’éducation des enfants que l’on désirait. « Si tu empêchais Coralie de présenter Jésus à vos enfants, dans les termes
où les chrétiens en parlent, ce serait malhonnête ; l’Eglise peut vous marier à condition que tu respectes la foi de Coralie ». Il était d’accord. J’étais
d’accord aussi pour qu’il parle de l’islam en famille autant qu’il le voudrait. Il acceptait que je mène nos enfants à l’église. On n’a pas voulu trancher la question :
« seront-ils baptisés à la naissance ? » On était d’accord pour s’interroger de nouveau lorsque le moment serait venu.
Omar a tout approuvé
Le prêtre nous a expliqué les conditions à respecter pour que nous puissions nous marier : Omar a tout approuvé. On nous a proposé d’aller voir un imam
pour qu’il m’explique ce que l’islam pense du mariage mais Omar a refusé.
J’étais folle de joie le jour de notre mariage : une belle journée de printemps ensoleillée ; les arbres devant l’église étaient tout blancs de fleurs
et le ciel était bleu. Pendant la célébration, Omar était souriant ; je le regardais dans les yeux ; il était tout ému quand il a dit : « je te prends
pour épouse et je me donne à toi ». Je me rappelle que le prêtre, dans son sermon, avait beaucoup insisté sur l’importance de la parole que nous échangions :
« elles sont un cadeau que Dieu vous fait ».
Pendant les premiers mois de notre mariage, nous habitions chez nos parents. Omar demeurait le garçon délicat qui m’avait toujours plu. Une chose
m’étonnait : il ne parlait jamais de sa famille et quand je l’interrogeais, il écartait le sujet. Je crois que devant ses parents il aurait eu honte
de se présenter avec une chrétienne.
J'ai craqué !
On a pu avoir assez vite un appartement de deux pièces et, là, tout s’est vite gâté. D’abord ses horaires ont changé ; je ne savais plus à quelle heure
il fallait l’attendre. Il s’est mis à prier ; il faisait ses ablutions, se retirait dans la chambre et faisait ses prosternations : je ne le reconnaissais
plus. Les repas sont devenus une corvée pour moi. J’évitais soigneusement de lui servir du porc et pourtant la viande que je préparais pour lui n’était
jamais bonne. Il disait que c’était un péché d’en manger. Pour m’expliquer ses absences, il m’a avoué qu’il allait à la mosquée voisine. On lui a fait
subir, je crois, un véritable lavage de cerveau.
Un jour, tout a éclaté. Il est venu vers moi avec un sourire charmeur : « ma chérie, j’ai un cadeau à te demander, pour mon anniversaire.
J’aimerais que tu mettes le voile islamique ». « Tu avais promis au prêtre que tu respecterais ma religion ! » « C’était, m’a-t-il répondu, parce que
j’avais peur qu’il dise non à notre mariage. Je t’aime tant ! » Alors j’ai craqué. Je suis partie en claquant la porte et je suis retournée
chez mes parents. Quand il a téléphoné, je lui ai dit : « je ne veux plus te voir ! » et j’ai raccroché.
J’ai su, par des amis, qu’il était retourné au Maroc. J’ai mal ! Je crois que je l’aime encore ! Mais la vie est impossible pour moi avec lui !
Coralie
Peintures de Gilles ALFERA : http://www.alfera.org/
Ecrire ou lire les commentaires