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Christine Fontaine, le 27/06/2020

J’ai été très intéressée par l’ensemble de ton article, qui fait apparaître l’ambigüité du mot prêtre en français et le glissement de sens entre le « presbytre » des origines et le « hiereus » à partir de la fin du deuxième siècle. Merci aussi d’avoir rappelé comment s’est constitué un clergé : « Lorsque les communautés chrétiennes se sont organisées, que s'y est mise en place une véritable hiérarchie avec un évêque, des prêtres, des diacres, on a senti le besoin de dédommager ceux de ces hommes qui n'avaient pas de fortune personnelle et qui étaient devenus des permanents ou des semi-permanents. On a alors constitué, à partir des dons reçus par l'Église, et qui ont pu consister en terrains aussi bien qu'en argent ou en objets précieux, une "part", un "lot", c'est-à-dire en grec un klèros, destiné à assurer cette rémunération. En latin, l'emprunt clerus a servi pour désigner à le fois ce lot et les bénéficiaires. Dès lors l'assimilation de ce "clergé" aux lévites et aux prêtres (hiereis-sacerdotes) de l'Ancien Testament était en marche, car ceux-ci avaient bénéficié eux aussi d'une part réservée des biens disponibles du peuple d'Israël, et cela appelait facilement une assimilation des évêques, sommet du clergé, aux prêtres juifs, les plus éminents dans la tribu de Lévi. »

Je suis un peu plus interrogative sur la fin de ton article. Tu écris d’une part : « Je crois plutôt que l'évolution retracée ici n'a pas pu ajouter un autre sacerdoce au sacerdoce baptismal, mais a mis en valeur chez les ministres ordonnés à l'épiscopat et au presbytérat un mode particulier d'exercice de ce sacerdoce : la présidence de l'Église collectivement sacerdotale. » Et tu écris d’autre part : « Ne peut-on pas, ne doit-on pas reconnaître que certaines des fonctions du ministère pastoral, notamment lors du mémorial de la Cène, mettent le ministre dans un rapport plus étroit avec le sacerdoce du Christ ? » Je ne vois pas comment tu peux concilier les deux. Le prêtre, selon toi, est plus proche de Dieu que l’ensemble des baptisés – au moins lorsqu’il célèbre l’eucharistie ? A mon avis, si tu acceptes cela, tu mets en place le prêtre comme personne « séparée » du reste des fidèles (au moins un peu) et tout le reste va suivre, c’est-à-dire le prêtre comme « homme de Dieu » plus que les autres. A mon avis, dans l’Eglise catholique – formée d’un clergé et de fidèles – le Christ n’est pas plus d’un côté que de l’autre. Il est dans la relation qui les unit, l’Autre de cette relation. Toujours Autre, et jamais les uns sans les autres. Un prêtre a une fonction de présidence de l’eucharistie mais cette fonction ne fait pas de lui un être à part ni supérieur. Comme je l’ai écrit : « Ces prêtres (ceux qui sont cléricaux) oublient qu’ils n’ont aucun pouvoir de « sanctifier » sans la foi des fidèles. Que cette confiance leur soit retirée et ils s’agitent en vain. Mais (et c’est là le drame !) il n’est pas envisageable pour eux de considérer que cette confiance qui leur est accordée leur impose de faire confiance aux fidèles afin qu’ensemble ils ajustent leurs points de vue sur l’Église et le monde. »

Michel Poirier, le 27/06/2020
@ Christine

Connaissant déjà tes questionnements et objections, j’avais commencé à réfléchir au sujet. Ma formulation « dans un rapport plus étroit avec le sacerdoce du Christ » peut, avec « plus étroit », donner l’impression d’un plus de valeur, d’où tes réticences compréhensibles. Ce n’est pas de cela qu’il devrait s’agir en vérité. « Dans un rapport particulier » ou « plus précis » serait peut-être meilleur.

J’indique dans mon exposé que plusieurs raisons ont pu contribuer à ce que le vocabulaire sacerdotal soit appliqué au bout d’un certain temps à l’évêque d’abord, et plus tard à tous les presbyteri. Je ne suis pas sûr que la constitution d’un clergé, qui n’est pas niable et a joué un rôle, soit la principale. J’aurais tendance à penser que la présidence par une personne unique, dès les premières descriptions conservées, de l’assemblée sacerdotale du Peuple de Dieu et plus particulièrement de la grande prière prononcée sur le pain et le vin, présidence unique comme lorsque le Christ a présidé la Cène le jeudi soir, a été essentielle pour cette évolution. Au niveau du mystère, le Christ-prêtre était celui qui préside l’assemblée sacerdotale du Peuple, concrètement la présidence se trouvait déléguée à une personne appelée à cette fonction. Tout baptisé participe dans l’Église au sacerdoce unique du Christ, mais l’Église primitive a fait l’expérience (l’expérience a précédé le vocabulaire et le concept) que la fonction de présidence associait son titulaire d’une manière particulière, plus précise fonctionnellement, à l’unique sacerdoce. Le vocabulaire a suivi, puis la théologie.

Dès lors, dans une perspective œcuménique (cet exposé a d’abord été pensé pour un auditoire œcuménique), le problème est le suivant : le retour aux origines nous avertit que la « sacerdotalisation » des responsables de l’assemblée chrétienne n’allait pas de soi, et cela peut nous mettre en garde contre les dangers qu’elle entraîne, au premier rang desquels il y a la sacralisation des ministres et du pouvoir qu’ils exercent, débouchant notamment sur le cléricalisme ; mais devons-nous pour autant jeter par-dessus bord sans autre examen l’expérience vécue par l’Église en son aurore, qui a conduit à reconnaître dans l’exercice de certaines fonctions de responsables une forme particulière de participation au sacerdoce ? Autrement dit, dans la recherche entre protestants et catholiques d’un consensus différencié, qui n’existe pas encore dans la théologie des ministères comme il a pu être trouvé sur la justification, quels premiers pas peut-on proposer aux uns et aux autres pour se rapprocher du but ? Telle était l’intention, sous des formes probablement incomplètes et maladroites, des paragraphes de conclusion de ce papier.

Hugues Noël, le 27/06/2020

Merci beaucoup.
Je transmets à un prêtre, mon accompagnateur spirituel, pour l’article de Michel POIRIER.
Un ancien de Morsang, qui a été l’un des “élèves” de Michel JONDOT.

Robert, le 28/06/2020

J’ai lu l’article (savant, pour moi qui n’ai appris ni le grec ni le latin…) de Michel Poirier. Cela m'a fait souvenir d'un texte rédigé par un prêtre inconnu - datant du Moyen-Age - de la région de Fribourg. C’est en passant en replay sur KTO une interview de Don Paul Préaux, Modérateur de la Communauté St Martin (dans la série Un cœur qui écoute) que j’ai entendu ce texte ; je l’ai transcrit tout de suite, le trouvant très beau.

Un prêtre
Texte d’un prêtre inconnu, datant du Moyen-Âge, trouvé à Fribourg

Un prêtre doit être à la fois grand et petit,
noble d’esprit comme de sang royal,
simple et naturel comme de souche paysanne,
un héros dans la conquête de soi,
un homme qui s’est battu avec Dieu ;
une source de sanctification,
un pécheur pardonné,
de ses désirs le maître,
un serviteur pour les timides et les faibles,
qui ne s’abaisse pas devant les puissants, mais se courbe devant les pauvres ;
disciple de son Seigneur, chef de son troupeau,
un mendiant aux mains largement ouvertes ;
un porteur de dons innombrables,
un homme sur le champ de bataille,
une mère pour réconforter les malades
avec la sagesse de l’âge et la confiance de l’enfant ;
tendu vers le haut,
les pieds sur la terre,
fait pour la joie,
connaissant la souffrance,
loin de toute envie,
clairvoyant,
parlant avec franchise,
un ami de la paix. …
si différent de moi.

Muriel, le 19/09/2024

J’ai lu avec beaucoup d’attention l’article de Monsieur Michel Poirier sur le célibat des prêtres.
Je me pose une question depuis longtemps et je n’arrive pas à trouver de réponse : est il exact que l’héritage d’un prêtre devait revenir à l’église ? Et si oui à partir de quand et jusqu’à quand ?
Merci de me renseigner ou me conseiller des ouvrages de référence.
Avec mes remerciements anticipés et bien sincèrement à votre écoute.

Nicodème (équipe animatrice), le 19/09/2024
@ Muriel

Nous avons adressé votre question à Michel Poirier. Voici sa réponse :
"Je n'ai pas la réponse à cette question, et j'ignore s'il y a eu, ou non, des périodes et des pays où l'héritage d'un prêtre serait tombé en possession de l'Église. Mais je me souviens d'avoir lu qu'une des raisons qui ont poussé (notamment sous l'empereur Justinien) à exiger le célibat des évêques, même en orient où on ordonne prêtres des hommes mariés, c'est que s'ils étaient pères de famille les dons faits en leur main par les fidèles risquaient de passer à leurs enfants et d'échapper à l'Église, leur véritable destinataire. "

On trouve également sur internet :
"Le célibat des prêtres s’est généralisé dans le catholicisme de rite latin à partir du XIIe siècle lorsque se sont posées des questions très politiques de succession des biens. L’exclusion des fils de l’héritage des évêques et autres abbés est allée de pair avec la dissolution de leur mariage, jugé illicite." (source : https://www.letemps.ch/opinions/celibat-pretres)

Nous n'avons pas approfondi davantage la question. Nous espérons que ce début de réponse correspondra en partie à votre attente.

Christine Fontaine, le 19/09/2024
@ Muriel

Je n’ai pas étudié la question que vous posez qui concerne l’histoire de l’Église mais je peux préciser ce qu’il en est pour les prêtres aujourd’hui en France. Il faut distinguer le statut des religieux qui ont fait vœu de pauvreté de celui des prêtres diocésains : eux n’ont pas fait vœu de pauvreté. Par conséquent un prêtre diocésain peut hériter, comme tout citoyen français, des biens qui lui viennent de sa famille et en disposer comme il veut.

Un prêtre diocésain ne reçoit pas de salaire, il perçoit une indemnité que la Conférence des Evêques de France (CEF) valorise chaque année. Son montant, indiqué par la CEF, s’élevait en 2023 à 1009€ par mois. Un logement doit en outre être assuré au prêtre diocésain et les frais attenants remboursés (impôts locaux quand il y en a, eau, gaz, électricité, téléphone s’il est lié à son activité…). Tout don reçu au titre de son ministère, honoraires de messe inclus, doit être reversé à la caisse payeuse, soit l’association diocésaine. Lorsque les prêtres jouent le jeu, leur situation financière leur permet une vie décente mais il n’y a pas de quoi faire fortune.

L’héritage d’un prêtre diocésain est régi par le droit français comme celui de n’importe quel autre citoyen. Par testament, il peut léguer ses biens à qui il veut. S’il n’y a pas de testament, ses biens reviennent à ses héritiers les plus directs. Comme il n’a pas d’enfant, en général à ses neveux et nièces. Les droits de succession à payer par les destinataires sont par conséquent très importants, ce qui permet à la hiérarchie d’inciter le prêtre à léguer tous ses biens à l’Église. Des formulaires en ce sens lui sont proposés.

Si aujourd’hui la hiérarchie autorisait le mariage des prêtres, qu’y perdrait-elle financièrement ? Si le prêtre travail à temps plein en paroisse ou dans un service diocésain, probablement faudrait-il augmenter l’indemnité minimum garantie pour assurer une vie décente à sa famille… à moins qu’on ne compte sur son épouse pour avoir un travail lucratif. En ce qui concerne l’héritage, il irait aux enfants et l’Église catholique se priverait des héritages qu’elle incite à lui faire.

La perte financière est-elle un argument caché aujourd’hui pour refuser le mariage des prêtres ? Pour ma part je serais tentée de penser que ce facteur existe aussi mais qu'il n'est pas décisif.