Au milieu du mois de septembre, plusieurs évêques ont dit leur réprobation du projet de loi ouvrant la procréation médicalement assistée à toutes les femmes qui le désireront (jusqu’ici, ce n’est ouvert qu’aux couples homme-femme pour faire échec à une infertilité).
Le projet de loi a suscité un débat public, et pas seulement dans le monde politique. C’est normal, il s’agit d’une question importante de société, de la société dans laquelle nous voulons vivre et nous voulons que vivent nos enfants et petits-enfants. Que des évêques, et d’autres chrétiens aussi d’ailleurs, donnent leur avis, cela ne nous choque pas, et nous sommes prêts à nourrir notre propre questionnement de ce qui nous est ainsi présenté, avec toute l’attention que méritent la compétence et la position des intervenants, mais en même temps dans la liberté de consulter aussi d’autres sources et d’élaborer notre propre jugement.
C’est pourquoi le caractère péremptoire et définitif de certaines interventions nous heurte, ainsi que la caution donnée plus ou moins directement à l’appel à manifester le 6 octobre contre le projet. C’est le cas par exemple de l’entretien accordé par Mgr Aupetit, archevêque de Paris, au magazine Famille Chrétienne (2). Pour se faire une idée de l’ambiance dans laquelle ce texte prend place, on aura profit à cliquer en haut de la page de Famille Chrétienne sur l’accès aux commentaires. Et une fois de plus on s’aperçoit que pour certains responsables d’Église, si au terme du débat leur avis n’a pas été suivi, c’est un signe de débat faussé et de mépris. Pourrait-on accepter de ne pas toujours obtenir d’avoir raison ? Pour la manifestation du 6 octobre, Mgr Aupetit se limite à dire qu’elle est « utile », l’invitation reste indirecte. Mais Mgr de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et Président de la Conférence des évêques de France, se risque à présenter la participation comme un « devoir » (3), la consigne est beaucoup plus nette. Nous le regrettons.
Il ne s’agit pas de notre part d’un refus d’entendre les objections. Il est évident que faire entrer dans la vie un enfant en excluant d’emblée toute présence d’un père pose question (mais alors, pourquoi accepte-t-on depuis longtemps l’adoption par des célibataires ?). Et on ne doit sans doute pas refuser d’examiner les risques d’arrivée d’une logique de marché. Mais ne voir que cela et en tirer une conclusion exclusive est pour le moins hâtif. Cette semaine (ceci est écrit le 20 septembre) le magazine catholique La Vie proposait un dossier sur ce débat. Les arguments hostiles, qu’ils soient présentés par des autorités chrétiennes ou par des penseurs agnostiques y avaient naturellement leur place. Mais le dossier s’ouvrait, de manière très humaine, sur le témoignage de femmes, célibataires ou en couple féminin, ayant eu recours à la P.M.A. à l’étranger. Il s’agit de témoignages positifs, mais aussi en demande de sécurité juridique. C’est cet aspect de vécu, d’humanité concrète, qu’on cherche en vain dans les positions de principe définitives, y compris venant de notre épiscopat.
Alors, sans refuser de prendre à bras le corps les difficultés, n’arrêtons pas aussitôt la réflexion au nom de je ne sais quelle autorité. Nous demandons aux évêques, comme d’ailleurs à toute autre autorité, de poser inlassablement les questions, y compris celles qui fâchent, mais sans prétendre juger à la place de chacun de nous, et sans appeler les chrétiens à une manifestation controversée (ce que d’ailleurs seuls certains ont fait).
Et si nous nous mettions nous-mêmes au travail, en cherchant à nous éclairer mutuellement, en mettant nos doutes et nos recherches en commun, par exemple en proposant des commentaires à cet article ?
Nicodème, le 30 septembre 2019
1- Cela est apparu en particulier lors et autour de la rencontre tenue le 16 septembre aux Bernardins en commun par quelques poids lourds de l’épiscopat français et des promoteurs d’une prochaine manifestation. / Retour au texte
2- Pour trouver ce texte, entrez dans un moteur de recherche : Famille Chrétienne Aupetit. / Retour au texte
3- Déclaration à la presse, la 16 septembre : « Je ne vois pas comment nous pourrions empêcher des citoyens, catholiques ou non, inquiets de ce projet de loi, de manifester s'ils pensent que c'est un moyen utile pour se faire entendre. J'aurais tendance même à dire qu'ils ont le devoir de le faire. » / Retour au texte