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Pentecôte
Lecture des Actes des Apôtres
2, 1-11
Quand arriva la Pentecôte (le cinquantième jour après Pâques), ils se trouvaient réunis tous ensemble.
Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d'un violent coup de vent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie.
Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d'eux.
Alors ils furent tous remplis de l'Esprit Saint : ils se mirent à parler en d'autres langues, et chacun s'exprimait selon le don de l'Esprit.
Or, il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs fervents, issus de toutes les nations qui sont sous le ciel.
Lorsque les gens entendirent le bruit, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient dans la stupéfaction parce que chacun d'eux les entendait parler sa propre langue.
Déconcertés, émerveillés, ils disaient : « Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous des Galiléens ?
Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?
Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des bords de la mer Noire, de la province d'Asie,
de la Phrygie, de la Pamphylie, de l'Égypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici,
Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu. »
Lecture de l'Evangile selon Saint Jean
14, 15-16.23b-26
En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
« Si vous m’aimez,
vous garderez mes commandements.
Moi, je prierai le Père,
et il vous donnera un autre Défenseur
qui sera pour toujours avec vous.
Si quelqu’un m’aime,
il gardera ma parole ;
mon Père l’aimera,
nous viendrons vers lui
et, chez lui, nous nous ferons une demeure.
Celui qui ne m’aime pas
ne garde pas mes paroles.
Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi :
elle est du Père, qui m’a envoyé.
Je vous parle ainsi,
tant que je demeure avec vous ;
mais le Défenseur,
l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom,
lui, vous enseignera tout,
et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
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Le Défenseur
Michel Jondot
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à partir de l'Evangile
Qu’Il vienne !
Christine Fontaine
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à partir des Actes des Apôtres
L'Esprit nous rend libres !
Michel jondot
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Le Défenseur
L’humanité en procès
On connaît ce roman de Kafka : « Le Procès ». Un personnage dont le nom n’est précisé que par une initiale, Joseph K., est sous le coup d’une inculpation dont il ignore les motifs. Il commence par affirmer son innocence. Mais, au fur et à mesure que se déroule l’histoire dans une atmosphère de cauchemar, il en vient à se considérer comme coupable – sans qu’on sache de quoi. Il tente alors d’éveiller l’indulgence du jury, d’implorer sa pitié.
Il n’est pas difficile de reconnaître, dans l’histoire de Joseph K., un comportement universel. On en voit un exemple dans les déclarations de repentance à propos du génocide nazi. Chacun doit surveiller son langage : on a peur d’être accusé d’homophobie ou d’antisémitisme. Il faut reconnaître que, parfois, l’Eglise elle-même mise sur ce sens de la culpabilité en multipliant les interdits. « Reconnaissons que nous sommes pécheurs » nous dit-on au début de chaque Eucharistie ; « Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, prends pitié de nous ! » « Il viendra juger les vivants et les morts ! »
Face à l’accusateur
La fête de ce jour nous invite à nous réconcilier avec nous-mêmes. A l’heure de son propre procès, Jésus pénètre ce monde où l’on condamne en avertissant ses disciples qu’il leur enverra un avocat, un « défenseur », comme s’il voyait bien qu’un risque de condamnation pesait sur l’humanité comme elle pesait sur lui à l’heure où il allait être arrêté pour être présenté devant le tribunal du Grand Prêtre. Qui peut se considérer comme juste ? Il est difficile de vivre avec ceux qui le prétendent : Jésus n’a cessé de le répéter au cours de sa prédication ! Nous sommes tous sous l’emprise du mal, c’est vrai, et c’est diabolique. Le vrai sens du mot « Satan », il ne faut pas l’oublier, est « Accusateur » et lorsque, prenant conscience de nos infidélités, nous avons peur du jugement de Dieu, Satan est vainqueur. Il fait croire que son adversaire lui ressemble mais Dieu ne peut nous accuser et encore moins nous condamner : le don de l’Esprit dont nous célébrons aujourd’hui la venue en ce monde nous le rappelle. « Je prierai le Père, et Il vous donnera un autre Défenseur qui sera toujours avec vous… le Défenseur, l’Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom… Il vous enseignera tout, il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
Vivre de l’Esprit
Faut-il en conclure que l’action humaine est insignifiante du fait que nous ne risquons pas d’être condamnés ? Nullement. Recevoir l’Esprit, c’est vivre d’une certaine façon, c’est entrer dans une certaine cohérence qui non seulement conteste les forces qui condamnent mais prolongent l’action de Jésus en ce monde. « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui et nous ferons chez lui notre demeure. »
Comment comprendre ? Le mot « Esprit », tel que nous en devinons le sens, à l’intérieur des paroles de Jésus, désigne le lien qui l’unit à son Père. Autrement dit, le don de l’Esprit qui nous est fait à la Pentecôte, est la force qui franchit les distances entre deux sujets distincts l’un de l’autre. Ces hommes qui prêtaient l’oreille aux paroles prononcées sur le Parvis du Temple, étaient tout étonnés. Chacun les entendait dans sa propre langue : les distances qui tenaient à l’écart « les Parthes, Mèdes, Elamites » et les différentes cultures, toutes plus éloignées les unes des autres, étaient abolies. Quelle était cette force, impalpable comme le vent, qui permettait pareille rencontre ? Quel était cet amour brûlant qui les rendait proches les uns des autres, brûlant comme les flammes qu’on voyait danser sur la tête des disciples ? Le mot « Esprit » permettait de les désigner. Ainsi reconnaître le don de Dieu promis par Jésus c’est découvrir que le lien qui unit le Père et le Fils nous est donné ; il circule en nous et entre nous. L’amour qui nous unit et qui fait la beauté de nos vies est « Dieu donné » ; il nous fait Fils avec Jésus. C’est en cet Esprit qu’avec Jésus, comme le dit Paul dans une des lectures de ce jour, « nous crions 'Abba', c’est-à-dire Père. »
La joie dans l’Esprit
Cette fête devrait faire naître la joie en chaque baptisé. D’abord, pour beaucoup, il rappelle la beauté impressionnante des liens qui nous unissent. Il arrive hélas que la vie nous laisse seul, sans véritable amour. Même dans ces pires conditions, la Pentecôte nous fait savoir que nous sommes aimés bien plus que nous pouvons l’imaginer.
Mais, par ailleurs, le don de l’Esprit commande une certaine façon de vivre. Le don qui nous est fait en même temps que la vie est un appel à étendre nos possibilités d’aimer. « A quoi sert le meilleur parfum dans un vase qui est fermé ? » disait Claudel. Le chrétien a appris de Jésus que la beauté de l’amour qui l’habite l’invite à sortir de lui-même. L’événement de la première Pentecôte chrétienne à Jérusalem ouvre chacun sur les étrangers qui l’entourent et Jésus nous a appris que cet amour pouvait aller jusqu’à rejoindre nos ennemis. Quand on regarde le monde qui est le nôtre, on voit, à un niveau collectif, que si la tâche paraît impossible elle ne doit pas nous démobiliser. Et quand on regarde notre vie, ne manquons pas de tenter l’impossible et de pardonner « à ceux qui nous ont offensés. »
Enfin si nous nous enfermons dans le regret de nos fautes, c’est que nous oublions la promesse de Jésus : l’envoi d’un Défenseur. C’est peut-être de cet oubli qu’il est question lorsque l’Evangile nous dit que « seul le péché contre l’Esprit ne peut être pardonné ». Paul nous rappelle que l’Esprit fait de nous des justes. L’oublier c’est se mettre à l’écart de son action.
Michel Jondot
peinture de Emil Nold
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Qu’Il vienne !
« … Ça ne commence pas mal. Ça ne commence vraiment pas mal.
Le monde est nouveau.
Le monde est tout neuf.
La création est toute neuve ; toute enfant.
La création est toute fraîche, toute neuve, toute jeune.
La création est toute fraîche éclose, toute fraîche sortie de vos mains.
La création est toute jouvencelle. »
Charles Péguy
Le Défenseur
« Le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom,
lui vous enseignera tout,
et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
Qu’il vienne celui qui nous défend de désespérer !
Qu’il vienne celui qui nous interdit de sombrer
lorsque nous sommes touchés par le malheur !
Qu’il vienne et nous enseigne à suivre des chemins inconnus,
à trouver, envers et contre tout, la route de la Vie !
Sans l’Esprit-Saint il n’est rien en aucun homme
rien qui ne soit perverti.
Sans l’Esprit-Saint, la bienveillance aurait disparu de la terre,
la guerre n’aurait pas de cesse,
la tendresse n’existerait plus
et la violence serait sans fin.
Qu’il vienne celui qui fait la guerre à la guerre !
Qu’il vienne celui qui assouplit nos raideurs,
réchauffe nos froideurs, et redresse nos erreurs !
Qu’il vienne et nous donne la Force brûlante et douce
d’un Amour plus fort que la mort !
L’Esprit de Vérité
« Moi, je prierai le Père et il vous donnera un autre Défenseur
qui sera pour toujours avec vous : c’est l’Esprit de Vérité. »
Au jour de la Pentecôte, à Jérusalem, le Père exauça la prière de Jésus .
Il vint, l’Esprit de Vérité, et se posa sur les apôtres,
alors tous se mirent à proclamer les merveilles de Dieu.
Ce jour-là les apôtres reconnurent qu’en vérité
Dieu fait merveille dans notre humanité.
Par l’Esprit, ils reconnurent l’œuvre de Dieu
dans l’histoire humaine.
Par l’Esprit, ils découvrirent que Dieu n’a pas abandonné l’humanité
à cette orgueilleuse bêtise qui fait son propre malheur.
Par l’Esprit, ils proclamèrent aux hommes venus de toutes les nations
que Dieu passe quand toute frontière est une porte qui s’ouvre,
que l’Esprit est au travail lorsque le migrant devient un hôte attendu,
que la Vérité triomphe quand l’amitié l’emporte sur l’indifférence,
la haine, la rivalité et sur ce mensonge qui consiste à se croire supérieur.
Qu’il vienne l’Esprit de Vérité et nous pousse à nous émerveiller
de la bienveillance et de la douceur,
de la force et de la patience qui, malgré tout,
passent par nos pauvres cœurs.
Qu’il vienne et nous entraîne à la source
d’où proviennent toute Bonté et tout Bien.
Le travail de l’Esprit
Dieu ne nous a pas abandonnés
sans défense dans un monde qui irait à la dérive.
Dieu ne nous a pas laissés orphelins.
Mais nous peinons à discerner son œuvre
dans notre monde marqué par tant de souffrance.
L’Esprit est au travail lorsque, sans nier la douleur,
nous pouvons espérer dans la nuit ou crier au grand jour :
« Le monde est bien. Le monde est bien fait. Très bien fait.
Le monde est beau. Le monde est grand…
Ça ne commence pas mal. Ça ne commence vraiment pas mal.
Le monde est nouveau… »
Qu’il vienne celui qui nous enseigne à commencer jour après jour !
Qu’il vienne celui qui nous donne d’espérer contre toute espérance !
Qu’Il vienne celui qui nous permettra de marcher
de mort en renaissance !
Qu’il vienne celui qui nous invite à croire qu’au dernier jour de notre existence,
tout commence encore et que « la création est toute jouvencelle » !
Qu’Il vienne et nous révèle le Dieu caché au cœur du monde
depuis toujours, dès maintenant et pour toujours !
Christine Fontaine
Peinture de Emil Nold
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L'Esprit nous rend libres !
Appelés à la liberté
Fêter la Pentecôte c'est se rappeler que les hommes sont appelés à la liberté.
Des exégètes, voici quelques années, avaient découvert une liste de peuples :
ceux-là même qui sont mentionnés dans le récit des Actes des Apôtres et dans le même ordre. Chacun d'entre eux est placé sous un des signes du zodiaque. C'est peut-être à ce document que fait allusion Saint Luc lorsqu'il parle des «nations qui sont sous le ciel ». La Pentecôte désigne le jour où les premiers disciples de Jésus prennent conscience que l'humanité n'est pas sous l'emprise d'un destin aussi implacable que le mouvement des étoiles. L'avenir des peuples est entre leurs mains. Dieu est offensé quand la liberté est brimée. Benoît XVI le rappelait lors de son voyage en Palestine lorsqu'il avait sous les yeux ce mur qui enferme un peuple.
L'Esprit de Pentecôte est aussi Esprit de liberté dans la mesure où il affranchit de la Loi. Tout au cours de sa prédication Jésus partait en guerre contre ces Pharisiens juristes qui faisaient porter sur les épaules des gens d'insupportables fardeaux. Ce comportement que Jésus dénonçait n'a pas disparu, même dans l'Eglise. Ils sont nombreux les interdits qui risquent de paralyser la vie et si les croyants s'y enferment, ils oublient l'essentiel du message chrétien que St Paul nous rappelle dans la lecture de ce jour : « laissez-vous conduire par l'Esprit, vous n'êtes plus sujets de la Loi ».
A la hauteur de notre vocation
Entendons-nous ; la liberté dont parle Paul et
que suscite en nous l'Esprit de Pentecôte n'est pas la faculté de faire ce qui
plaît ou ce qui passe par la tête. Dire, à la suite de Paul, que nous
ne sommes plus sujets de la Loi c'est reconnaître que nous avons mieux à faire
que de nous soumettre à des préceptes abstraits et paralysants. Ce qui commande
le comportement de celui qui est libéré par l'Esprit, c'est, comme le dit un philosophe
juif, le visage de l'autre, le besoin qu'il a de nous pour être à la hauteur de sa
vocation humaine. Avec raison beaucoup ont réagi, voici quelque temps,
contre les condamnations portées, au nom d'une certaine morale chrétienne, par un prélat
brésilien à l'égard d'une gamine victime de sévices sexuels. Cette gosse de neuf
ans appelait à la tendresse et à la pitié tout homme de bonne volonté, certes,
mais d'abord ceux qui se réclament de l'Esprit. Ecoutez encore Saint-Paul : « amour, joie, paix patience,
bonté, bienveillance... face à tout cela, il n'y a plus de loi qui tienne ».
L'Esprit de Pentecôte est esprit de liberté.
L'acte de parler est le premier fruit et le plus beau fruit de ce don qui est fait à l'humanité.
Les Actes des apôtres, pour en manifester la force, parlent de langue de feu. C'est par une prise
de parole miraculeuse que dans la chair des apôtres la parole continue à prendre corps. Quand, à
l'annonciation, Marie conçoit le Verbe, il nous est dit que l'Esprit descendit sur elle. Au jour
de la Pentecôte, « ils furent tous remplis de l'Esprit Saint ; alors ils se mirent à parler ! »
Libres pour parler
Notre époque, plus que d'autres, est sensible à la liberté de la parole. De nombreux militants,
partout dans le monde, s'insurgent lorsqu'un régime politique réprime l'expression de ceux qui
ont un message à délivrer. Il faut se réjouir de cette prise de conscience. Il convient aussi
d'entrer dans une façon de vivre sans laquelle la parole n'est qu'imparfaitement humaine et,
en tout cas, n'est pas chrétienne. Le miracle de la parole, au jour de la Pentecôte, tient au
fait qu'elle est entendue, reçue dans les langues les plus diverses. Une parole vraiment libre
est celle qui sait rejoindre celui ou celle, ceux ou celles, à qui elle est adressée. Une parole
vraiment libre est aussi une parole qui ne se laisse pas enfermer. Si nous voulons être fidèles à
l'Esprit, il faut apprendre à écouter pour entrer dans le langage de nos contemporains. Il faut
sortir de nos habitudes pour percevoir celui de l'étranger : nous habitons une société où toutes
les cultures se mêlent. Comment se rencontreront-elles, comment s'entendront-elles si elles ne
commencent à s'écouter pour mieux se comprendre ? A ce sujet, je me permets de souligner un souci
qui est celui de l'Eglise d'aujourd'hui et auquel je suis particulièrement sensible. Comment les
fidèles des différentes religions réussiront-ils à se parler
s'ils ne sont pas conscients des évidences des uns et des autres?
Sortir des illusions
En fin de compte, la liberté à laquelle nous invite l'Esprit est
une invitation à l'humilité. Se situer devant autrui pour mieux le comprendre ou
mieux lui répondre n'est possible que si nous sortons des illusions qui, elles aussi, tout autant
que les interdits ou les impératifs moralisateurs, risquent de nous paralyser. Le chrétien est
dans l'illusion si, lorsqu'il prend la parole, il s'imagine posséder une vérité à transmettre.
La vérité chrétienne nous échappera toujours. La vérité n'est pas aux mains
de l'Eglise. La vérité chrétienne est ce vers quoi nous marchons lorsque nous nous laissons conduire
par l'Esprit. « Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité
tout entière ». Il vous guidera. Se laisser guider c'est marcher. La vérité se découvre à
nous lorsque brisant tout ce qui sépare nous allons les uns vers les autres pour apprendre
les uns des autres à vivre ensemble.
Michel Jondot
Peinture de Emil Nold
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