Beaucoup de réactions s’élèvent contre le Pape. On estime qu’en n’acceptant pas la démission du Cardinal Barbarin, le Pape dit mais ne fait pas : il prône la tolérance zéro mais il maintient un cardinal condamné par la justice. D’autres, qui défendent le Pape, pensent qu’il se devait d’attendre la décision ultime du tribunal civil puisque le Cardinal a fait appel. Je me risque à une autre manière d’envisager cette rencontre du Pape avec le Primat des Gaules.
Il me semble qu'il y a deux ordres différents à considérer :
- celui de la Loi ;
- celui du service de l’Église.
Dans l'ordre de la loi, le Cardinal Barbarin offre sa démission au pape en lui apportant toutes les raisons de ne pas l'accepter (un appel est lancé par ses avocats). On en déduit que le pape attend la décision ultime de justice pour accepter ou non cette démission. Mais est-il évident que ce soit ce que fait le Pape ?
On peut envisager une autre hypothèse : le Pape n'attend pas la décision du tribunal civil mais il attend que le Cardinal prenne du recul pour se poser en conscience la seule question qui vaille : est-il souhaitable pour son diocèse qu’il reste en place ? Dans ce cas le Pape oblige le Cardinal à prendre ses responsabilités. Ce dernier venait pour que le Pape aux yeux du monde entier lui réaffirme sa confiance. Le Pape refuse autant de l’approuver que de le désapprouver. Il le met en situation de prouver si l’Église peut ou non lui faire confiance. Si le Cardinal Barbarin désire le bien du diocèse il se doit de démissionner tant son maintien suscite une division profonde et durable. La démission est un acte unilatéral qui ne nécessite pas l'accord du supérieur. Le Pape l’oblige à prendre ses responsabilités et à dévoiler ses intentions : est-ce le maintien au pouvoir ou le bien de l’Église que le Cardinal recherche ?
Le Pape pousse Monseigneur Barbarin à se situer par-delà la loi, dans l'ordre du service de l’Église. La conférence épiscopale ne comprend pas cette position de mise en attente pour une période indéterminée qui ne relève pas d’un statut canonique. Mais n’est-ce pas cette position par-delà les lois de l’Église et celle de la société que le Pape demande au Cardinal d’adopter ?
Si tel est le cas, Monseigneur Barbarin venait en quelque sorte obliger le Pape à lui renouveler publiquement sa confiance. Le pape inverse la situation. Il oblige le Cardinal à se demander s’il cherche ou non le bien de l’Église. Et au bout du compte il lui dit : « Quelle que soit la décision de justice, si tu ne décides pas de démissionner par toi-même, tu resteras Cardinal mais je ne pourrai plus te soutenir. »
On reproche au Pape de dire oui à la « tolérance zéro » et de faire « non » en maintenant en place un Cardinal condamné par la justice. Autrement dit, on l’accuse de ne pas être fidèle à l’Évangile qui demande « Que votre oui soit oui, que votre non soit non ; tout ce qu'on y ajoute vient du mauvais » (Mt 5,37). En fait le Pape ne dit-il pas « non-non » à tout cléricalisme en refusant de prendre une décision à la place du Cardinal ? Ne dit-il pas « non-non tu n’utiliseras pas mon pouvoir suprême pour consacrer ton propre désir de pouvoir » ? Ne dit-il pas « oui-oui » à l’Évangile en dénonçant non seulement en paroles mais aussi en actes toute sacralisation du pouvoir dans l’Église ?
Mais ce n’est qu’une interprétation parmi d’autres. Elle repose sur le fait que je suis portée à faire confiance au Pape François...
Christine Fontaine
Fresque : François d'Assise pleure parce que l'Amour n'est pas aimé.